2. Une verbalisation à la discrétion des agents
En 2010, la sénatrice de Gironde Marie-Hélène Des Esgaulx a interrogé le Secrétaire d’État aux transports de l’époque sur les conditions d’application de cet article R.4126. Il en a résulté une réponse claire :
« L'appréciation de ces comportements est à l'initiative des forces de l'ordre, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. »
En clair, cela signifie que c’est bien à chaque agent, qu’il s’agisse de la gendarmerie, de la police nationale ou de la police municipale, de décider si un conducteur commet ou non une infraction en vapotant. Dans la pratique, cela dépendra de la manière dont vous utilisez votre cigarette électronique. Il convient donc de rester vigilant.
L’exemple le plus connu à ce sujet est celui d’une conductrice qui, en 2009, s’était fait verbaliser pour avoir fumé au volant. Elle avait contesté l’amende en faisant valoir que la réglementation n’interdit pas de fumer en conduisant. Elle a obtenu gain de cause. Cependant, depuis 2015, la Loi Tabac interdit de fumer (tabac ou cigarette électronique) en présence d’un mineur dans la voiture. Cela vise principalement à protéger les enfants du tabagisme passif ou, dans le cas de la vape, d’aérosols potentiellement irritants.
Pour avoir le texte exact, vous pouvez consulter cette disposition législative sur le site du gouvernement.fr ou sur Légifrance. Ainsi, même si la vape n’est pas formellement mentionnée à ce sujet pour l’interdiction en voiture, la prudence pousse à éviter tout risque et à protéger les plus jeunes des potentiels effets secondaires de la vapeur.
3. Le contenu de l’article R.412-6 et ses implications
Revenons à l’article R.412-6, qui est au cœur de la problématique. Voici ce qu’il indique plus précisément :
« Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent… »
Cet article est souvent utilisé pour sanctionner des comportements variés : l’utilisation d’un téléphone portable sans kit mains libres, la manipulation d’un GPS, l’écoute d’une musique trop forte qui empêcherait le conducteur d’entendre les signaux sonores extérieurs, ou encore la consommation de certains aliments au volant (manger un sandwich peut parfois être verbalisé en vertu de ce texte).
Dans le cas de la cigarette électronique, ce qu’on peut vous reprocher, c’est :
De porter votre attention sur la manipulation du matériel (par exemple, si vous rechargez votre dripper en eliquide en roulant).
De produire un volume important de vapeur, susceptible de diminuer votre champ de vision.
De laisser votre ecig tomber ou rouler sous le siège, vous forçant à baisser la tête pour la ramasser.
En effet, la sécurité routière repose, entre autres, sur la vigilance du conducteur, sa capacité à anticiper et sa réactivité immédiate aux événements de la route. Si l’agent de police estime que le vapotage vous empêche de conduire « commodément et sans délai », il peut considérer qu’il y a infraction.
4. Pourquoi certains conducteurs ont déjà été verbalisés ?
Plusieurs conducteurs témoignent sur les forums en ligne dédiés à la vape, ou sur les réseaux sociaux, avoir été contrôlés et même sanctionnés pour usage de la cigarette électronique au volant. Les raisons invoquées par les forces de l’ordre peuvent varier :
Nuages de vapeur gênants : Certains vapoteurs affectionnent les gros nuages, surtout avec des drippers très performants ou des atomiseurs subohms. Or, dans l’habitacle confiné d’une voiture, cette vapeur peut effectivement troubler la visibilité, autant pour le conducteur que pour d’autres usagers de la route si la vapeur est expulsée par la fenêtre.
Maniement complexe du matériel : Utiliser un dripper nécessite de verser régulièrement quelques gouttes d’eliquide sur la résistance. Si vous réalisez cette opération en conduisant, votre attention est détournée de la route et vos mains ne sont pas sur le volant. Là encore, un agent peut considérer que ce comportement est dangereux.
L’aspect suspect de la cigarette électronique : Certains policiers, mal informés, peuvent encore croire qu’il s’agit d’un dispositif illégal ou juger que vous êtes en train de fumer une substance interdite. Il est donc essentiel d’expliquer clairement qu’il s’agit d’une ecig légale, si vous êtes contrôlé.
Distraction avérée : Même si votre dispositif est simple, manipuler un bouton, vérifier le niveau de batterie ou de liquide, ajuster la puissance, etc., peut vous mettre en faute si vous n’êtes pas en mesure de réagir vite à un événement sur la route.
Cependant, il ne faut pas non plus diaboliser la pratique. Dans la plupart des cas, les forces de l’ordre font preuve de tolérance si elles constatent que la cigarette électronique ne nuit pas à votre conduite. Les verbalisations pour vapotage au volant sont encore rares, même si elles existent.
5. La question de la fumée (ou plutôt de la vapeur) et de la visibilité
L’article R.412-6 mentionne que « le champ de vision ne doit pas être réduit par (…) l’apposition d’objets non transparents sur les vitres ». Certes, la vapeur n’est pas un objet, mais on pourrait considérer qu’un nuage dense est « non transparent » et qu’il réduit la visibilité. Certains vapoteurs pratiquant le power vaping ou le cloud chasing (gros nuages) se trouvent potentiellement dans cette situation, surtout dans un environnement clos comme l’habitacle d’une voiture.
Imaginez que vous soyez à un feu rouge, vous profitez de l’arrêt pour tirer quelques longues bouffées de votre e-cig. Lorsque le feu passe au vert et que vous devez démarrer, la vapeur n’a pas nécessairement eu le temps de se dissiper et peut perturber vos premiers instants de conduite. Cela peut suffire à justifier une observation d’un agent de police, voire une verbalisation, s’il estime que vous n’étiez pas en mesure de voir clairement.
Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’impact visuel que peuvent provoquer de grandes volutes de vapeur sortant des vitres d’une voiture. Certains conducteurs peuvent être perturbés, se demander si un incendie ne s’est pas déclaré dans le véhicule, ou encore s’inquiéter de la nature de la fumée. Cela peut générer un stress inutile sur la route. Pour éviter ce genre de malentendu, mieux vaut vapoter discrètement, avec du matériel adapté à une production de vapeur plus « raisonnable ».