2. L'industrie de la cigarette électronique et ses enjeux aux États-Unis
.Une croissance exponentielle
Depuis ses débuts au début des années 2000, le marché de la cigarette électronique a connu une croissance fulgurante. Aux États-Unis, le secteur de la vape représente aujourd'hui plusieurs milliards de dollars, englobant aussi bien les grands fabricants de dispositifs (boxs, pods,) que les producteurs de e liquide (avec ou sans nicotine). Les magasins spécialisés se multiplient, proposant une large gamme d'arômes : tabac, menthol, fruités, gourmands, etc.
Le vapotage a ainsi gagné une popularité importante auprès de nombreux anciens fumeurs désireux de réduire les risques liés à la combustion du tabac, perçue comme bien plus nocive que l'utilisation de la vapeur d'e liquide. Toutefois, cette croissance s'est accompagnée de vives controverses, notamment concernant le vapotage des mineurs, qui sont attirés par les saveurs sucrées et fruitées, facilement dissimulables, et que certains qualifient d'« effets marketing abusifs ».
.Les enjeux de santé publique
Pour les défenseurs du vapotage, la cigarette électronique représente une révolution en matière de réduction des risques. L'absence de combustion réduit notablement la production de substances toxiques différemment à la cigarette classique, offrant un moyen de sevrage ou de consommation de nicotine réputé moins dangereux. Certains spécialistes estiment que l'ecig pourrait sauver des millions de vies en incitant les fumeurs invétérés à délaisser le tabac au profit d'un produit dont les conséquences sur la santé sont considérées comme moindres, bien que toujours à l'étude sur le long terme .
En revanche, les détracteurs dénoncent l'existence d'additifs aux effets méconnus, la possible normalisation du geste de fumer – même via la vapeur – ou encore l'essor du vapotage chez les jeunes. L'épidémie de la COVID-19 a également contribué à la méfiance envers tout produit inhalé, certains s'inquiétant des effets de la nicotine ou des arômes en cas d'infection respiratoire.
3. Le précédent mandat de Trump : des menaces pesant sur les arômes
.L'épisode de 2019 : l'interdiction avortée des arômes
En 2019, Donald Trump a suscité un impact dans l'industrie véritable de la vape en évoquant une interdiction pure et simple des e liquides aromatisés, à l'exception de ceux au tabac ou au menthol. Les raisons initiales étaient portées sur la multiplication de cas d'affections pulmonaires graves, dont plusieurs décès, attribués dans un premier temps à l'utilisation de dispositifs de vapotage – même si l'on a découvert plus tard que la plupart de ces cas étaient liés à des produits au THC frelatés et non à des e liquides standards nicotinés.
Les médias américains, l'opinion publique et plusieurs associations ont alors fait pression pour un encadrement drastique de l'ecig, l'idée étant de protéger les adolescents, très amis des saveurs sucrées et fruitées. De son côté, Donald Trump, d'abord enclin à prendre une mesure radicale, s'est ravisé au tout dernier moment, la veille même de la conférence de presse qui devait officialiser l'interdiction. Selon plusieurs sources, le revirement aurait eu lieu après présentation de données démontrant que de nombreux vapoteurs – majeurs et électeurs potentiels – se détourneraient du président s'il venait à interdire les saveurs. Le risque politique aurait alors pris le pas sur les considérations de santé publique.
.Les justifications de Trump
Après avoir « sauvé » la cigarette électronique qu'il avait lui-même menacée, Donald Trump a mis en avant une posture de défenseur de la liberté individuelle et de soutien aux petites entreprises de la vape. Il a promis de combattre le vapotage des mineurs en mettant davantage sur les campagnes de prévention et la responsabilisation, plutôt que sur une interdiction complète. Ce discours, cependant, est apparu contradictoire : comment prétendre « sauver » un secteur alors que l'on a failli lui porter le coup fatal ? C'est cet écart entre la parole politique et les actes qui continuent de hanter la communauté des vapoteurs et qui nourrit la méfiance vis-à-vis des annonces récentes du candidat Trump.
4. Le contexte de la campagne 2025 : Trump contre Harris
.Kamala Harris, nouvelle figure de l'opposition démocrate
En raison de problèmes de santé et de sondages en demi-teinte, Joe Biden s'est retiré de la course à la Maison-Blanche, cédant la place à Kamala Harris. Première femme afro-américaine et d'origine sud-asiatique à occuper le poste de vice-présidente sous Biden, Harris se présente désormais comme la candidate démocrate pour la présidence. Dans le débat sur le vapotage, les démocrates ont traditionnellement adopté une ligne plus stricte, insistant sur la protection des mineurs. Durant le mandat de Biden, la mesure forte envisagée a été l'interdiction des cigarettes mentholées, finalement abandonnée. Quant au vapotage, aucune action législative majeure n'a été prise ; seuls quelques programmes de sensibilisation sur les dangers de l'ecig chez les jeunes ont vu le jour.
.L'axe de campagne de Trump sur le vapotage
Pour sa part, Donald Trump a relancé son discours de 2019, affirmant à nouveau qu'il avait « sauvé le vapotage aromatisé » et qu'il recommencerait si Harris souhaitait, selon ses dires, « tout interdire ». Cette posture de sauveur répond à plusieurs impératifs :
Garder le soutien de l'électorat vapoteur : de nombreux Américains utilisent l'ecig comme alternative à la cigarette, et certains se sentent menacés par les appels à l'interdiction des saveurs.
Apparaitre comme pro-business : Trump revendique fréquemment son identité d'homme d'affaires capable de dynamiser l'économie et de soutenir les petites entreprises, comme les boutiques de vape.
Se différencier des démocrates : en accusant Kamala Harris de vouloir « tout interdire », Trump s'adresse à une frange de l'électorat conservateur attaché aux libertés individuelles.
Cependant, cette rhétorique s'accompagne d'une certaine amnésie : le principal danger qui avait pesé sur les e liquides aromatisés, en 2019, venait bel et bien des déclarations de Donald Trump lui-même.
5. Les lobbys du tabac et de la vape dans la balance
.Le rôle de la Vapor Technology Association (VTA)
Le jour même où Donald Trump publiait son tweet annonçant qu'il « sauverait à nouveau » la cigarette électronique, il s'était entretenu avec Tony Abboud, le directeur exécutif de la Vapor Technology Association (VTA). Cette organisation se présente comme la principale association de défense du vapotage aux États-Unis. Représentant de nombreux acteurs de la filière (boutiques spécialisées, producteurs de e liquide, fabricants d'ecigs, etc.), la VTA fait du lobbying pour que la réglementation fédérale reste favorable à l'innovation et n'entrave pas la liberté des vapoteurs adultes.
Le soutien que peut apporter la VTA à un candidat est loin d'être négligeable : il se traduit par des campagnes médiatiques, des financements, et la mobilisation de milliers de vapoteurs lors d'événements politiques. Or, Donald Trump, fin stratège, dit qu'il a besoin de l'appui de ces électeurs pour l'emporter.
.Big Tobacco en embuscade
Un autre élément non négligeable : le deuxième plus gros donateur du comité d'action politique (PAC) soutenant Donald Trump, Make American Great Again, est RAI Services Company, une filiale de Reynolds American, l'un des géants du tabac. De nombreux observateurs notent que Big Tobacco s'intéresse de près à la cigarette électronique, et voient un marché de diversification potentiellement rentable pour compenser la baisse des ventes de cigarettes traditionnelles aux États-Unis.
Selon le Washington Post, Big Tobacco aurait choisi de soutenir Trump, misant sur son « approche chaotique en matière de santé publique » et sur sa propension à prendre des décisions parfois inattendues. Pour ces groupes, un président capable de se rétracter en dernière minute peut représenter une opportunité, car les coups de pression et le lobbying ciblé peuvent infléchir sa position. Autrement dit, en cas de victoire de Trump, les cigarettiers espèrent disposer de quelques années de « tranquillité » supplémentaire pour influencer la réglementation sur la cigarette électronique et consolider leurs parts de marché.